VI. Approvisionnements

Autrefois : L'alimentation de l'ancien Paris. — Les marchés de l'ancien Paris.
Aujourd'hui  : Les Halles. — Personnel des Halles. — Autres marchés. — Le marché aux bestiaux. Les abattoirs.Entrepôts. Laboratoires.

L'alimentation de l'ancien Paris.

Jusqu'à la Révolution, l'alimentation de la capitale fut des plus défectueuses et, bien souvent, il y eut des famines terribles, que tous les efforts de la municipalité et du gouvernement furent impuissants à prévenir. C'est qu'à cette époque il n'y avait pas, comme de nos jours, de larges routes allant jusque dans les plus petits villages et des chemins de fer transportant en quelques heures les marchandises d'une extrémité de la France à l'autre. Outre la Seine, les seules voies de communication étaient des chemins défoncés où les voitures s'embourbaient et n'avançaient que très lentement. Lorsque l'hiver arrivait, Paris était presque inabordable aux paysans d'alentour. Ce n'est pas tout : à ces obstacles matériels venait encore s'ajouter un déplorable système d'impôts qui entravait toute transaction. Le paysan, accablé de taxes de toute nature, ayant à acquitter des péages sans nombre au passage des ponts, aux carrefours des routes, aux frontières des provinces avant d'amener ses denrées sur les marchés, ne cultivait que pour sa propre consommation, et plus d'une fois Paris manqua de pain. On sait que pendant la famine de 1709, les courtisans allaient de porte en porte mendier un morceau de pain et que la famille royale elle-même dut manger le pain de disette, composé de farine d'avoine et d'orge. Enfin, les troubles si fréquents qui bouleversaient le pays, les bandes étrangères qui, la plupart du temps, composaient nos armées et ne se faisaient pas faute de tout piller sur leur passage, détruisaient les récoltes et ne contribuaient pas peu aux famines si nombreuses qui désolèrent Paris.

Les Marchés de l'ancien Paris.

Le premier marché de Paris fut le marché Palu, situé près de l'église Saint-Germain-le-Vieux ; il suffisait aux besoins de la ville lorsqu'elle ne s'étendait pas encore en dehors de l'île de la Cité. Plus tard, un second marché fut établi près de la place de Grève et s'appela pour cette raison le marché de la Grève. Ce dernier lui-même devint bientôt insuffisant et nous voyons Philippe-Auguste construire un marché sur un terrain que Louis VII avait acheté près de l'emplacement actuel de la rue Croix-des-Petits-Champs.

Ce n'est que de Philippe-le-Hardi que date la fondation du marché des Halles. Placé le long des murs du cimetière des Innocents, il se composait primitivement d'une seule galerie. Il fut considérablement agrandi par Philippe-le-Bel et devint un marché des plus importants. Dès sa fondation, nous le voyons désigné sous le nom de Halles.

Cependant, la population de Paris s'accroissait rapidement, et dès le règne de François Ier, les anciennes Halles étaient déjà devenues insuffisantes. On ne se décida à les agrandir qu'au temps de Henri II. A partir de cette époque, elles demeurèrent deux siècles sans subir aucune transformation. Enfin, lorsqu'en 1785 on supprima le cimetière des Innocents, devenu un danger public, on donna aux Halles une extension nouvelle : on transporta la fontaine des Innocents à l'endroit où elle est actuellement, et on fit de ce marché le centre d'approvisionnement de tout Paris.

Les anciennes Halles n'étaient pas organisées comme les Halles actuelles ; aujourd'hui, chaque stalle est louée à un marchand qui seul a le droit de s'y installer ; autrefois, la taxe n'était perçue que sur les denrées mises en vente, et chaque marchand pouvait se placer où bon lui semblait. De plus, on vendait aux Halles bien d'autres choses que les aliments proprement dits : il y avait là des drapiers, des cordonniers, etc. ; c'était, en somme, un bazar bien plus qu'un marché.

Les anciennes Halles et la fontaine des Innocents

Les anciennes Halles et la fontaine des Innocents.

Avant de quitter les anciennes Halles, nous mentionnerons le Pilori, si célèbre sous l'ancien régime. C'était une tour octogonale contenant une sorte de plate-forme tournant sur un pivot où l'on exposait les condamnés. Tout près de là s'élevait un gibet et, entre les deux, une croix de pierre où les débiteurs insolvables étaient amenés pour faire amende honorable et recevoir le bonnet vert, signe distinctif de leur infamie.

Les Halles aujourd'hui.

Les Halles, telles qu'elles existent actuellement, datent du second Empire et ont été bâties sur les plans de l'architecte Baltard. Elles sont construites presque entièrement en fer et en verre ; elles occupent une surface de près de 88 000 mètres carrés. Elles se divisent en plusieurs corps de bâtiments, appelés pavillons, dont chacun est affecté à un service particulier. Elles sont en outre pourvues d'immenses caves, où sont entassées d'énormes quantités d'approvisionnements de toutes sortes.

Les Halles aujourd'hui

Les Halles aujourd'hui.

1. Halles centrales. — 2. Église Saint-Eustache. — 3. Fontaine et square des Innocents. — 4. Bourse de commerce. — 5. Colonne de Jean Bullant.

Non seulement les Halles alimentent Paris, mais elles sont encore le centre d'un trafic considérable avec la province et l'étranger.

Voici quelques chiffres qui montreront quelle est l'importance des Halles. En 1886, on a vendu 38 500 000 kilogrammes de viande de boucherie et de charcuterie, plus de 28 millions de kilogrammes de poisson, près de 25 millions de kilogrammes de volaille et de gibier, et plus de 200 millions de kilogrammes de légumes.

Personnel des Halles.

Depuis la construction des nouvelles Halles, il suffît, pour posséder une stalle de vente dans un pavillon ou une place réservée sur le carreau, de payer un prix de location déterminé. On appelle carreau les larges trottoirs qui sont établis à l'extérieur des pavillons et où ont lieu le déchargement des marchandises et la vente en plein air. Un service de salubrité dépendant de la préfecture de police surveille la qualité des marchandises. La vente en gros est faite à l'amiable ou à la criée par des facteurs assermentés qui, seuls, ont le droit de vendre les marchandises expédiées par les approvisionneurs.

Enfin, nous ne pouvons achever ce chapitre sans dire un mot des Forts de la Halle. C'est une corporation dirigée par un syndic, et dont les membres opèrent le chargement et le déchargement des marchandises. Ils doivent, pour exercer leur industrie, avoir été agréés par la préfecture de police.

Autres marchés.

Outre les Halles, existent, dans chaque arrondissement, deux ou trois marchés dont les marchands s'approvisionnent, soit directement auprès des cultivateurs des environs, soit aux Halles. Des inspecteurs surveillent chacun de ces marchés.

Enfin, il faut mentionner encore certains marchés spéciaux : marchés aux bestiaux, aux chevaux, aux chiens, aux oiseaux, aux fleurs, aux fourrages, aux vieux linges, et le célèbre marché du Temple, où se vend tout ce qui concerne l'habillement.

Le marché aux bestiaux. Les abattoirs.

Avant d'arriver aux Halles pour être livrés à la consommation parisienne, les bœufs, veaux, moutons et porcs doivent être tués et dépecés ; ces différentes opérations ont lieu dans l'intérieur même de la ville.

Autrefois, les abattoirs étaient situés au milieu de la capitale, où ils entretenaient une mauvaise odeur persistante, sans compter le danger qui pouvait résulter des animaux échappés, parcourant les rues et renversant tout sur leur passage ; certains noms du vieux Paris, tel que celui de Saint-Jacques-la-Boucherie, en rappellent le souvenir.

En 1811, un décret impérial fit cesser cet état de choses et prescrivit la construction de cinq abattoirs situés tout près des quartiers de Vaugirard, de Popincourt, d'Ivrv, du Roule et de Montmartre. Ces abattoirs fonctionnèrent jusqu'au second Empire, qui, en 1859, ordonna la construction des immenses abattoirs de la Villette.

Ces vastes bâtiments occupent une superficie de 211 000 mètres carrés. Ils sont situés rue de Flandre et sont reliés, par un pont jeté sur le canal de l'Ourcq, au marché aux bestiaux de la Villette qui a remplacé les anciens marchés de Poissy et de Sceaux. Chaque bête qui entre dans l'abattoir est comptée, pesée et paye un droit à l'octroi.

En 1882, il est entré aux abattoirs près de 2 600 000 têtes de bétail qui ont rapporté plus de 3 millions et demi à la Ville de Paris.

Entrepôts. Laboratoire municipal.

Les vins et alcools entrant à Paris ont une lourde taxe à payer à l'octroi. Or, pour l'acquitter, les négociants en vins seraient forcés d'avancer des sommes souvent considérables sur une marchandise non encore vendue, et ils devraient disposer de vastes locaux. Pour remédier à ces inconvénients, la Ville a créé d'immenses magasins appelés entrepôts, où les vins entrent en franchise et sont gardés en dépôt, pour le compte des négociants, moyennant un droit de location déterminé ; chaque locataire possède une clef du local qu'il occupe, et la taxe d'octroi n'est payée que lorsque le liquide sort de l'entrepôt pour être transporté chez le consommateur.

Il existe à Paris deux grands entrepots : l'entrepôt du quai Saint-Bernard et l'entrepôt de Bercy. Le premier, appelé Halle aux vins, date de 1808. Il a été élevé sur l'emplacement de l'ancienne abbaye de Saint-Victor et peut contenir dans ses caves douze cent mille hectolitres de liquide.

L'entrepôt de Bercy est en reconstruction depuis 1876 et est à peine terminé ; comme celui du quai Saint-Bernard, il peut contenir douze cent mille hectolitres de vins et d'alcools. Un crédit de quarante millions a été affecté à la construction de ces bâtiments.

C'est de 1876 également que date l'institution si utile, créée par la municipalité parisienne, d'un laboratoire d'essai, destiné à renseigner le public sur les qualités bonnes ou mauvaises des différents objets de consommation. On y analyse également tous les échantillons de denrées ou autres marchandises prélevées d'office chez les commerçants sur l'ordre de la préfecture de police pour savoir s'il n'entre dans leur composition aucune matière nuisible à la santé. Le laboratoire coûte annuellement à la Ville 200 000 francs ; quoique souvent critiqué, il rend tous les jours de grands services à la population.

Les halles de Paris

Table des matières

Introduction

Livre Premier — Histoire de Paris

I. Lutèce. — Paris gallo-romain.

II. Paris sous les Mérovingiens et les Carolingiens.

III. Paris sous les Capétiens

IV. Paris sous Philippe-le-Bel

V. Paris sous les Valois. — Philippe VI et Jean le Bon.

VI. Paris sous les Valois. — Charles V.

VII. Paris sous les Valois. — XVe siècle.

VIII. Paris sous les Valois. — XVIe siècle.

IX. Paris sous les Bourbons. — Henri IV, Louis XIII.

X. Paris sous les Bourbons. — Louis XIV.

XI. Paris sous les Bourbons. — Louis XV.

XII. Paris sous les Bourbons. — Louis XVI.

XIII. Paris sous la Révolution.

XIV. Le Consulat et l'Empire.

XV. Paris sous la Restauration.

XVI. Paris sous Louis-Philippe.

XVII. Paris sous la République de 1848.

XVIII. Paris sous le second Empire.

XIX. La guerre de 1870.

Livre II — Monuments de Paris

I. Époque gallo-romaine.

II. Architecture romane (époque capétienne).

III. Architecture ogivale.

IV. La Renaissance.

V. L'architecture au XVIIe siècle.

VI. L'architecture au XVIIIe siècle.

VII. L'architecture au XIXe siècle.

VIII. L'architecture, de 1848 à nos jours.

Livre III — Administration

I. Généralités.

II. Administration municipale. — Autrefois.

III. Administration municipale. — Aujourd'hui.

IV. Voirie. — Boulevards, rues, places, etc. — Circulation. — Cimetières. — Éclairage.

V. La Seine. — Canaux. — Eaux potables. — Égouts.

VI. Approvisionnements.

VII. Enseignement. — Bibliothèques.

VIII. Musées. — Théâtres.

IX. Assistance publique.

X. Police. — Prisons. — Pompiers.

XI. Grands établissements parisiens.

Paris et les parisiens.

Les environs de Paris.