Introduction

Il y a six cents ans, un poète fort médiocre, appelé Guillot, imagina un jour de rimer en des vers fort libres (libres à tous égards), le nom des quatre cents rues ou environ qui composaient les trois seuls quartiers du Paris d'alors : la Cité, l'Université et la Ville. Il est probable que le brave homme ne se doutait pas que les feuillets de son manuscrit, retrouvés bien longtemps après à Dijon, seraient étudiés, publiés, commentés par les érudits et lui mériteraient l'honneur d'être le premier annaliste de Paris.

Depuis Guillot, les historiens n'ont pas manqué à la grande ville, et l'on ne s'avance pas trop en disant que le simple énoncé des titres de leurs ouvrages formerait cinq ou six gros volumes de grand format et de petit texte1. Il suffit, pour s'en convaincre, d'avoir feuilleté le catalogue méthodique de notre précieuse bibliothèque de la Ville, la bibliothèque Carnavalet.

Dans cette infinie quantité de livres, il en est de bons, il en est plus encore de mauvais, et certains jouissent d'une réputation dont ils sont bien loin d'être dignes. Tel, par exemple, l'ouvrage de Dulaure, où les fautes et les injustices ne se comptent pas.

Si nous voulions indiquer ici les meilleurs et les plus consciencieux, ce serait d'abord et surtout dans les siècles passés qu'il faudrait chercher, et l'on prouverait sans peine que les travaux venus depuis n'ont de qualités qu'autant qu'ils s'en sont inspirés. Corrozet au seizième siècle, le Père Du Breul et Sauval au dix-septième, puis les bénédictins Félibien et Lobineau, avec leur lourde, mais documentaire Histoire de Paris, l'abbé Lebeuf, bien plutôt érudit qu'abbé, Delamare et son Traité de la police, Jaillot surtout, dans ses Recherches critiques, voilà les véritables fondateurs de l'histoire de Paris et ceux auxquels nous devrons toujours le plus.

Pendant la Révolution et la première moitié de notre siècle, l'historiographie parisienne se révèle à peine. Nous avons parlé de Dulaure ; il n'y a guère à citer ensuite, comme livres exacts et estimables, que ceux de Lavallée, de M. de Gaulle, ou encore le Dictionnaire si commode des frères Lazare ; mais, depuis 185o,l'ardeur des travailleurs et des curieux s'est ranimée et nous a valu d'excellents ouvrages.

M. Maxime du Camp n'a jamais été si bien inspiré que lorsqu'il a consacré dix ans à étudier Paris sous tous ses aspects et dans toutes ses fonctions. De cette étude est sorti un livre dont on ne saurait trop louer la science, le ton et la sincérité : Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle.

Un ancien préfet de la Seine, M. Haussmann, eut aussi une heureuse idée, durant sa longue administration, quand il songea, vers 1865, à fonder la luxueuse collection de l'Histoire générale de Paris, publiée sous les auspices du Conseil municipal. Cette idée n'a pas été abandonnée depuis ; elle a été, au contraire, reprise et développée plus libéralement encore par l'administration municipale qui a succédé à celle du second Empire ; nous lui devons déjà de précieuses monographies et des recueils de textes indispensables à l'historien ; les matériaux sont loin d'être épuisés et l'on peut bien augurer de l'avenir par le passé.

Plus récemment encore, deux manifestations importantes se sont produites de l'intérêt qu'inspirent les études parisiennes. En 1874, une société spéciale pour ces études s'est constituée et a rapidement prospéré. C'est vers le même temps que la librairie Didot entreprit la publication d'un savant ouvrage : Paris à travers les âges, dont le texte et surtout l'illustration si remarquable, dirigée par M. Hoffbauer, ont fait un livre définitif sur presque tous les points.

Après tant et de si bons travaux, il semblerait qu'il ne reste plus rien à faire. Nous avons pensé, cependant, qu'un volume simple, accessible à tous par ses dimensions, pourrait être bien accueilli. Habitué par des études antérieures à rechercher l'histoire de Paris dans les textes imprimés ou les documents inédits, nous avons fait effort pour vulgariser cette sorte de biographie de la reine des cités. L'exactitude du fond n'exclut pas la clarté de la forme, toutes deux augmentées par de nombreuses illustrations.

Nous avons eu un triple but, auquel correspondent les trois parties de ce livre : présenter le récit des faits où Paris a eu une part, depuis l'attaque de l'humble Lutèce par le lieutenant de César, jusqu'à l'époque trop voisine de nous pour appartenir encore à l'histoire impartiale ; — décrire, dans l'ordre chronologique de leur construction les monuments que l'art de chaque siècle a élevés pour l'embellissement de la capitale, depuis les arènes romaines retrouvées rue Monge, jusqu'au palais du Trocadéro ;— faire connaître enfin l'histoire et l'organisation actuelle de l'administration municipale, en comparant le présent au passé, ce qui revient à montrer la marche incessante de Paris dans la voie du progrès et de la civilisation.

On a souvent dit que ceux qui connaissent le moins Paris sont précisément les Parisiens ; on n'a pas tout à fait tort, et ils sont les premiers à le reconnaître. Cela n'est pas moins regrettable ; aucun Parisien ne devrait ignorer pourquoi le musée fondé par Du Sommerard s'appelle musée de Cluny, ni pourquoi le pont au Change, la place du Châtelet, le Temple portent de tels noms, si bizarres en apparence. Chaque rue, chaque monument devrait lui rappeler un fait, glorieux, gai ou triste, intéressant toujours.

Nous avons tâché de ne rien omettre de ces faits, de ces souvenirs et de les faire revivre en les présentant sous une forme très claire. Si nos lecteurs y prennent quelque intérêt, y trouvent quelque profit, nous serons assez récompensé de nos efforts.

F. B.

1. Il peut être utile d'indiquer ici les principaux ouvrages sur l'histoire de Paris, ceux qui méritent le plus de confiance et que nous avons surtout consultés :

Les antiquitez, croniques et singularitéz de Paris, par Gilles Corrozet, Parisien, et depuis augmentées parN. B. (Nicolas Bonfons), Parisien (1586). — Le Théâtre des antiquitez de Paris, par le R. -P. Du Breul, Parisien, religieux de Saint-Germain-des-Prés (1639). — Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, par Sauval (1724, 3 vol. in-fol.). — Histoire de la ville de Paris, composée par dom Michel Félibien, revue, augmentée et mise au jour par dom Guy-Alexis Lobineau, tous deux prêtres religieux bénédictins (1725, 5 vol. in-fol.). — Traité de la police, par Delamare (1713, 4 vol. in-fol.). —Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris, par l'abbé Lebeuf (1754, 15 vol. in-12). — Recherches critiques, historiques et topographiques sur la ville de Paris, avec le plan de chaque quartier, par le sieur Jaillot, géographe ordinaire du roi (1772, 5 vol. in-8°). — Tableau de Paris, par Mercier(1783, 12 vol. in-8°). — Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris, par Félix et Louis Lazare (1844). — Histoire de l'Hotel-de-Ville de Paris, par Le Roux de Liney (1846). — Etudes archéologiques sur les anciens plans de Paris et Dissertations sur les anciennes enceintes, par A. Bonnardot(1851, 2 vol. in-4°). — Itinéraire archéologique de Paris, par F. de Guilhermy (1855). — Le Louvre et le nouveau Louvre, par L. Vitet (1853). — Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, par Maxime du Camp (1875, 6 vol. in-12). — Paris à travers les âges, aspects successifs des monuments et quartiers historiques de Paris, fidèlement restitués d'après les documents authentiques, par M. F. Hoffbauer. Texte par MM. Édouard Fournier, Bonnardot, Paul Lacroix, J. Cousin, A. Franklin, etc., (1876, 2 vol. in-fol.).

Parmi les ouvrages publiés aux frais et sous les auspices de la municipalité, nous citerons : l'Atlas des anciens plans de Paris, la Topographie historique du vieux Paris, par Berty et Tisserand (4 vol. in-4°), Etienne Marcel, par J. Perrens, les Registres des délibérations du bureau de la ville, etc., etc. Mentionnons enfin, pour les renseignements statistiques, les Tableaux mensuels de Statistique municipale de la ville de Paris, publiés par le service de la statistique municipale.

L'histoire de Paris par Fernand Bournon

Table des matières

Introduction

Livre Premier — Histoire de Paris

I. Lutèce. — Paris gallo-romain.

II. Paris sous les Mérovingiens et les Carolingiens.

III. Paris sous les Capétiens

IV. Paris sous Philippe-le-Bel

V. Paris sous les Valois. — Philippe VI et Jean le Bon.

VI. Paris sous les Valois. — Charles V.

VII. Paris sous les Valois. — XVe siècle.

VIII. Paris sous les Valois. — XVIe siècle.

IX. Paris sous les Bourbons. — Henri IV, Louis XIII.

X. Paris sous les Bourbons. — Louis XIV.

XI. Paris sous les Bourbons. — Louis XV.

XII. Paris sous les Bourbons. — Louis XVI.

XIII. Paris sous la Révolution.

XIV. Le Consulat et l'Empire.

XV. Paris sous la Restauration.

XVI. Paris sous Louis-Philippe.

XVII. Paris sous la République de 1848.

XVIII. Paris sous le second Empire.

XIX. La guerre de 1870.

Livre II — Monuments de Paris

I. Époque gallo-romaine.

II. Architecture romane (époque capétienne).

III. Architecture ogivale.

IV. La Renaissance.

V. L'architecture au XVIIe siècle.

VI. L'architecture au XVIIIe siècle.

VII. L'architecture au XIXe siècle.

VIII. L'architecture, de 1848 à nos jours.

Livre III — Administration

I. Généralités.

II. Administration municipale. — Autrefois.

III. Administration municipale. — Aujourd'hui.

IV. Voirie. — Boulevards, rues, places, etc. — Circulation. — Cimetières. — Éclairage.

V. La Seine. — Canaux. — Eaux potables. — Égouts.

VI. Approvisionnements.

VII. Enseignement. — Bibliothèques.

VIII. Musées. — Théâtres.

IX. Assistance publique.

X. Police. — Prisons. — Pompiers.

XI. Grands établissements parisiens.

Paris et les parisiens.

Les environs de Paris.