V. Paris sous les Valois. - Philippe VI et Jean le Bon

Les Valois. — Origine des Marcel. — Étienne Marcel, prévôt des marchands. — Le dauphin abandonne Paris. — La Jacquerie. — Le régent devant Paris. — Mort d'Etienne Marcel. — L'Hôtel-de-Ville. — Troisième enceinte de Paris.

Les Valois.

Charles IV, dit le Bel, étant mort en 1328 sans laisser d'héritier direct, trois compétiteurs se trouvèrent en présence : Philippe de Valois, petit-fils de Philippe III le Hardi, Edouard III, roi d'Angleterre, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle, et Charles le Mauvais, petit-fils de Louis X le Hutin, par sa mère Jeanne de Navarre. Ce fut Philippe VI qui monta sur le trône. Il entra en lutte contre Édouard III ; ce fut le commencement de la guerre de Cent ans.

Philippe VI, qui avait inauguré heureusement son règne par la brillante victoire de Cassel, remportée sur les Flamands, perdit par sa folle témérité la désastreuse bataille de Crécy, où les Anglais lui tuèrent 30000 hommes. Son fils, Jean le Bon, qui lui succéda en 1350, épuisa ses ressources en dons et en fêtes, et lorsque la guerre recommença avec les Anglais, en 1355, il dut s'adresser aux États généraux pour en obtenir des subsides. Mais aussi téméraire que Philippe VI, il fut battu et fait prisonnier à Poitiers par le prince Noir, fils du roi d'Angleterre, en 1356.

Le pouvoir restait à son fils, alors duc de Normandie, et qui fut plus tard Charles V. Il fallut de nouveau convoquer les États généraux, et c'est alors qu'apparut pour la première fois, en relief, la figure d'un des Parisiens les plus célèbres : Étienne Marcel.

Origine des Marcel.

La famille des Marcel était une ancienne famille de marchands de Paris. Plus d'un siècle avant celui qui l'a rendue illustre, on la trouve établie dans la Cité. De père en fils, les Marcel exerçaient la profession de drapiers ; or la corporation des Drapiers avait pris une place considérable dans la direction des affaires municipales, elle l'emportait même sur la corporation des Marchands de l'eau.

Étienne Marcel, dont les oncles paternels avaient tous rempli des fonctions au conseil de la Ville, soit comme échevins, soit comme conseillers, fut investi, en 1355, de la plus haute dignité municipale, celle de Prévôt des Marchands.

Etienne Marcel, prévôt des marchands.

Marcel, qui avait transporté le siège de la municipalité à la Maison aux piliers, place de Grève, se montra très expérimenté dans les affaires et s'opposa au gaspillage des finances de la Ville. Aussi, quand, après la capture du roi Jean à Poitiers, le dauphin Charles convoqua les Etats généraux afin de leur demander des subsides, Marcel fut choisi comme président.

Armoiries de la famille d'Etienne Marcel

Armoiries de la famille d'Etienne Marcel.
D'azur (fond bleu) à trois griffons ailés d'or, dont un en chef (en haut), et deux en pointe (en bas), à la bande d'argent, chargee de six carrés de gueules (rouges).

Justement irrités de la faiblesse de la royauté, les Etats, poussés par Marcel et par Robert Lecocq, évêque de Laon, voulurent imposer au jeune prince des conseillers nommés par eux et sans lesquels il ne pourrait rien faire. Le dauphin, sans refuser ouvertement, traîna les choses en longueur et renvoya les députés.

Mais, quelques mois plus tard, il fallait les convoquer de nouveau. Les États se montrèrent encore plus exigeants. Devant les nouvelles résistances du dauphin, Marcel eut recours à l'émeute.

Le 22 février 1358, il se dirigea, accompagné d'environ trois mille de ses partisans, tous armés, vers le palais de la Cité, résidence du Dauphin. Chacun portait le chaperon aux couleurs de la ville de Paris, rouge et bleu. Sur le chemin, la troupe ayant rencontré un avocat au Parlement, Regnaud d'Acy, connu comme partisan du dauphin, elle le massacra dans la boutique d'un pâtissier où il avait cherché un refuge. Puis tous entrèrent dans le palais ; Marcel pénétra jusqu'à la chambre du dauphin et lui dit : « Sire, ne vous esbahissez (étonnez) pas des choses que vous voyez, car il est ordonné et convient que il soit fait. » Alors les hommes qui le suivaient marchèrent sus à deux des familiers et intimes conseillers du prince, le maréchal de Champagne et Robert de Clermont, qu'ils tuèrent sous ses yeux. Charles fut fort épouvanté, mais le prévôt des marchands lui dit : « Sire, vous n'avez garde, » et il lui donna son chaperon rouge et bleu, prit en échange celui du dauphin et le porta toute la journée.

Le dauphin abandonne Paris.

Le dauphin ne se fiait pas à la protection de Marcel. A la faveur d'une nuit obscure, il s'enfuit, la veille de Pâques, et alla retrouver ses partisans pour se constituer une armée. Dès lors la guerre était déclarée entre le roi et les Parisiens, conduits par le prévôt des marchands. Étienne Marcel fit fortifier la ville, garder les portes et prendre les armes à tous les Parisiens ; il fit nommer le roi de Navarre Charles le Mauvais, cousin et gendre de Jean le Bon, compétiteur au trône de France, chef de cette milice avec le titre de capitaine général de Paris.

La Jacquerie.

Une fois hors de Paris, le dauphin qui avait pris le titre de Régent, convoqua et reçut à Compiègne la plupart des nobles du royaume, qui s'unirent à lui contre les Parisiens. Mais les paysans de Picardie, ruinés par les gens de guerre, venaient de se soulever au cri de : Vive Jacques Bonhomme ! nom qu'on donnait par dérision aux paysans : de là, le nom de Jacquerie sous lequel on désigne la révolte de 1358. Le soulèvement s'étendit à d'autres provinces, et il fallut avant de songer à Paris, combattre les paysans, qui furent facilement dispersés et traités avec férocité.

Le Régent devant Paris.

Les troupes royales vinrent, au mois de juin 1358, camper à Charenton, au confluent de la Seine et de la Marne, commandant ainsi le cours du fleuve et empêchant Paris d'être ravitaillé de ce côté.

Charles le Mauvais, capitaine de Paris, qui combattait à contrecœur du côté des bourgeois, eut avec le dauphin une entrevue ; il se laissa acheter par la promesse d'une grosse somme d'argent et s'engagea à livrer Paris. Mais quand il revint dans la capitale pour se mettre de nouveau à la tête des assiégés, il fut fort mal accueilli et forcé dé s'enfuir à Saint-Denis avec les aventuriers qui composaient sa troupe.

Costumes du quatorzième siècle

Costumes du quatorzième siècle.

Mort d'Étienne Marcel.

La population, exaspérée par ses souffrances, en rendit responsable le prévôt des marchands. Il ne resta bientôt plus à Etienne Marcel, abandonné de tous les siens, qu'à se livrer à Charles le Mauvais. Celui-ci était à Saint-Denis : il fut convenu entre Marcel et lui que les portes de Paris lui seraient ouvertes dans la nuit du 31 juillet 1358. Si mystérieux qu'eût été le complot, il fut révélé à ceux qui, de leur côté, s'employaient à livrer la ville au dauphin. Leurs chefs étaient deux chevaliers, Pépin des Essarts et Jean de Charny, dévoués depuis longtemps à la cause royale, et un des échevins de Paris, Jean Maillard, jadis ami du prévôt et fort aimé du peuple. Dans la soirée du 31 juillet, Etienne Marcel vint à la porte ou bastide Saint-Denis comme pour y dîner ; il était accompagné d'environ cinquante hommes armés. Jean Maillard, qui avait été averti des intentions du prévôt, s'y trouvait aussi : une querelle s'éleva entre eux, et Marcel vit qu'il lui fallait renoncer à livrer cette bastide-là au roi de Navarre. Il se rendit donc à la bastide Saint-Antoine où quelques années plus tard devait être construite la Bastille ; mais il y retrouva Maillard avec une troupe considérable et des bannières aux armes du Régent. Le chroniqueur Froissard a raconté d'une façon pathétique le drame qui eut lieu alors : « Étienne, Etienne ! dit Jean Maillard, que faites-vous ici à cette heure ? — Jehan, que vous importe de le savoir ? Je suis ici pour prendre garde de la ville dont j'ai le gouvernement. — Pardieu ! s'écria Maillard, il ne va pas ainsi, mais n'êtes ici à cette heure pour nul bien, et je vous le montre dit-il à ceux qui l'accompagnaient, comme il tient les clefs des portes en ses mains pour trahir la ville ! — Jehan vous mentez ! — Pardieu, traître c'est vous qui mentez ! » Il le frappa sur-le-champ et le malheureux prévôt tomba bientôt accablé sous le nombre. Plusieurs de ceux qui l'accompagnaient périrent également. Le surlendemain, le régent rentrait dans Paris, et il faisait mettre à mort les principaux partisans du prévôt.

La place de Grève

La place de Grève.
1. Maison aux Piliers, sur l'emplacement actuel de l'Hôtel-de-Ville. — 2. Gibet, où avaient lieu les exécutions. — 3. Église de Saint-Jean-en-Grève.

Étienne Marcel personnifie la première révolution parisienne. Malgré l'incertitude qui, en certains points, plane sur les mobiles de sa conduite, il n'en reste pas moins une des grandes figures de l'histoire de Paris. Sa courte administration fut marquée par deux faits très importants : une enceinte nouvelle donnée à la ville et l'Hôtel-de-Villeétabli par lui sur la place de Grève.

L'Hôtel-de-Ville.

L'importance des services municipaux s'accroissant de jour en jour, il avait fallu, pour loger la municipalité parisienne, un édifice plus important que celui qu'elle occupait près du Châtelet et qu'on appelait encore le Parloir aux Bourgeois. En 1357, Étienne Marcel acheta, pour y établir l'Hôtel-de-Ville, une vaste maison sise place de Grève ; elle avait appartenu aux dauphins de Viennois et on l'appelait la Maison aux Piliers, parce que ses étages supérieurs, en saillie sur la façade, étaient soutenus par des piliers. Depuis cette époque, l'Hôtel-de-Ville des Parisiens n'a plus quitté cet emplacement. Il fut rebâti deux fois depuis, de François Ier jusqu'à Henri IV, et enfin, tout récemment, après l'incendie de 1871.

Troisième enceinte de Paris.

Depuis la construction de l'enceinte de Philippe-Auguste, vieille déjà de cent cinquante ans, la ville s'était considérablement étendue, surtout sur la rive droite, et tout ce qui était au delà de l'enceinte alors existante formait de vastes faubourgs qui n'auraient pu être protégés en cas d'attaque ; aussi Etienne Marcel résolut-il de les enfermer dans la ville.

La nouvelle enceinte commençait à la Seine à peu près à l'endroit où est le pont du Carrousel ; elle traversait la place du même nom, puis, se dirigeant vers le nord-est, coupait le jardin du Palais-Royal, la place des Victoires, suivait les parcours de la rue d'Aboukir, et allait rejoindre le tracé des boulevards actuels. Elle se dirigeait alors de l'ouest à l'est, dans le sens des rues Sainte-Apolline, de Meslay et parallèlement aux boulevards du Temple, des Filles-du-Calvaire et Beaumarchais, traversait la place de la Bastille, et la Seine en prenant la direction du boulevard de la Contrescarpe et du canal Saint-Martin.

La rive gauche s'était moins peuplée ; aussi l'on se contenta de creuser des fossés en avant de la muraille du treizième siècle.

Histoire de Paris

Table des matières

Introduction

Livre Premier — Histoire de Paris

I. Lutèce. — Paris gallo-romain.

II. Paris sous les Mérovingiens et les Carolingiens.

III. Paris sous les Capétiens

IV. Paris sous Philippe-le-Bel

V. Paris sous les Valois. — Philippe VI et Jean le Bon.

VI. Paris sous les Valois. — Charles V.

VII. Paris sous les Valois. — XVe siècle.

VIII. Paris sous les Valois. — XVIe siècle.

IX. Paris sous les Bourbons. — Henri IV, Louis XIII.

X. Paris sous les Bourbons. — Louis XIV.

XI. Paris sous les Bourbons. — Louis XV.

XII. Paris sous les Bourbons. — Louis XVI.

XIII. Paris sous la Révolution.

XIV. Le Consulat et l'Empire.

XV. Paris sous la Restauration.

XVI. Paris sous Louis-Philippe.

XVII. Paris sous la République de 1848.

XVIII. Paris sous le second Empire.

XIX. La guerre de 1870.

Livre II — Monuments de Paris

I. Époque gallo-romaine.

II. Architecture romane (époque capétienne).

III. Architecture ogivale.

IV. La Renaissance.

V. L'architecture au XVIIe siècle.

VI. L'architecture au XVIIIe siècle.

VII. L'architecture au XIXe siècle.

VIII. L'architecture, de 1848 à nos jours.

Livre III — Administration

I. Généralités.

II. Administration municipale. — Autrefois.

III. Administration municipale. — Aujourd'hui.

IV. Voirie. — Boulevards, rues, places, etc. — Circulation. — Cimetières. — Éclairage.

V. La Seine. — Canaux. — Eaux potables. — Égouts.

VI. Approvisionnements.

VII. Enseignement. — Bibliothèques.

VIII. Musées. — Théâtres.

IX. Assistance publique.

X. Police. — Prisons. — Pompiers.

XI. Grands établissements parisiens.

Paris et les parisiens.

Les environs de Paris.