II. Administration municipale. — Autrefois

Origines de l'administration parisienne. — Prévôt des marchands. — Principaux prévôts des marchands. — Échevins. — Conseillers de ville. — Agents de l'administration. — Administration des quartiers. — Prévôt de Paris. — Principaux prévôts de Paris. — Administrations municipales de Paris depuis la Révolution.

Origines de l'administration parisienne.

C'est dans l'ancienne corporation des Nautes qu'il faut chercher l'origine de l'administration parisienne. Disparue avec la chute de la domination romaine en Gaule, cette corporation se retrouve au douzième siècle sous un nom différent ; elle s'appelait Confrérie des marchands de l'eau, et les rois Louis VI et Louis VII lui accordèrent plusieurs privilèges importants.

C'est à cette époque (douzième siècle) qu'eut lieu le mouvement si considérable qu'on appelle l'affranchissement des communes. Il n'est pas douteux que la ville de Paris en bénéficia plus que toute autre cité ; déjà la royauté avait à compter avec elle, et, pour ménager sa puissance, elle dut lui délivrer des chartes de privilèges, dont l'une autorisait les Parisiens à nommer eux-mêmes leur municipalité.

Philippe-Auguste confirma ces privilèges et en accorda même de nouveaux. Le plus important fut celui par lequel il autorisait les bourgeois de Paris à faire partie de la hanse, c'est-à-dire de l'Association des confrères de la Marchandise de l'eau ; la charte de ce privilège est datée de 1192.

Ainsi organisée, la confrérie se réunissait souvent. Elle délibérait sur toutes les affaires relatives au commerce fluvial de la Seine ; elle formait aussi une sorte de tribunal devant lequel étaient portées toutes les contestations entre ses membres. Le chef de la confrérie, qui présidait ce tribunal, prit le nom de prévôt des Marchands de l'eau ; le tribunal conserva sa dénomination de Parloir aux Bourgeois. Peu à peu, on prit l'habitude de discuter au Parloir, non seulement les questions commerciales, mais encore toutes celles qui intéressaient la ville. C'est ainsi que la compagnie des Marchands arriva insensiblement à diriger les affaires municipales, et c'est pour cette raison que, jusqu'à la Révolution, le chef de la municipalité parisienne s'appela prévôt des marchands.

Prévôt des marchands.

Ce fut toujours un grand honneur, pour un bourgeois de Paris, d'être élevé à la dignité de prévôt des marchands.

La charge était élective. Voici comment on procédait à la nomination d'un nouveau prévôt : dans chaque quartier, les officiers municipaux, quarteniers, cinquanteniers, dizainiers, — dont on parlera plus loin, — recueillaient les voix des habitants, qui avaient à désigner quatre électeurs représentant le quartier ; deux seulement étaient maintenus sur la liste définitive des votants : au total, il restait 70 personnes chargées de nommer le nouveau prévôt.

A plusieurs reprises, la royauté eut à redouter les conséquences de cette libre élection ; aussi supprima-t-elle parfois la charge de prévôt des marchands pour mettre en la place un homme qui lui fût dévoué. C'est ce qui arriva lors de l'insurrection des Maillotins, puis sous la Ligue, sous la Fronde, etc. Mais cette mesure ne fut jamais définitive, car les Parisiens protestèrent toujours avec tant d'énergie qu'on leur rendit chaque fois le libre exercice de leurs droits.

Cependant, à partir de Louis XIV, l'importance du prévôt des marchands fut bien diminuée. On sait que le roi, pressé d'argent, avait imaginé de convertir en offices toutes les dignités et fonctions, c'est-à-dire que les magistrats ou fonctionnaires étaient obligés d'acheter leur charge à l'État ; aussi les derniers prévôts sont-ils en réalité plutôt des officiers royaux que les représentants de la population parisienne.

Le prévôt des marchands devait, de toute nécessité, être né à Paris. Ses attributions étaient très considérables ; elles embrassaient, avec les intérêts du commerce parisien, l'ensemble de l'administration municipale : entretien des rues, ponts, fontaines, remparts, poids et mesures, constructions, octroi, etc., etc.

Bien qu'il n'y ait pas une analogie complète entre ce qui a été et ce qui est, on peut comparer le prévôt des marchands à notre préfet de la Seine, pour toutes les questions où ce dernier agit, non pas comme préfet du département, mais comme chef des services municipaux.

Le costume du prévôt des marchands était fort riche : il se composait d'une longue robe rouge en velours, avec un surplis en satin de même couleur, et d'une toque, également rouge, ornée d'un large galon d'or ; c'est à peu près le costume de nos conseillers de cour d'appel.

Principaux prévôts des marchands.

Les principaux personnages qui ont exercé la charge de prévôt des marchands sont : au treizième siècle, Etienne Barbette, qui a laissé son nom à une rue ; au quatorzième siècle, le célèbre Etienne Marcel, le grand tribun de la révolution de 1357 ; puis, plus tard, Pierre Viole, sous François Ier ; de Thon, François Miron, à l'époque de Henri IV, Claude Le Peletier, et au dix-huitième siècle, Bignon, de la Michodière et Turgot, père du ministre.

Échevins.

Au-dessous du prévôt des marchands, et comme sont les adjoints à un maire, venaient les quatre échevins1.

Ils étaient élus, comme le prévôt, pour deux ans et pouvaient être nommés de nouveau après l'accomplissement de leur premier mandat. Eux aussi étaient choisis parmi les principaux commerçants ou bourgeois, et une condition essentielle de leur élection était d'être Parisiens.

1. Ce mot vient du bas latin scabini, qui lui-même a été formé sur un mot d'origine germanique, scheffen, qui signifie : ordonner, régler.

Conseillers de ville,

Ces cinq administrateurs de la Ville étaient assistés par un conseil composé de vingt-quatre prud'hommes, appelés conseillers ; leurs attributions étaient surtout judiciaires et s'exercèrent, d'abord au Parloir aux Bourgeois, puis à l'Hôtel-de-Ville, où ils prenaient part à toutes les délibérations. Ils étaient désignés par le prévôt des marchands et les échevins. Notre conseil municipal, plus nombreux et avec des attributions plus étendues, rappelle cet ancien conseil de ville.

Agents de l'administration.

Il fallait un nombreux personnel pour expédier toutes les affaires municipales : son chef était le greffier de l'Hôtel-de-Ville, anciennement appelé clerc du Parloir. Le greffier était en même temps comptable des finances municipales ; mais plus tard, on nomma un receveur chargé exclusivement de la caisse municipale. Il y avait aussi un procureur de la ville, qui avait mission de défendre exclusivement les intérêts municipaux ; enfin, des sergents du Parloir armés d'une baguette ou verge, qui les rendait inviolables dans l'accomplissement de leurs nombreuses fonctions.

Administration des quartiers.

A côté des officiers municipaux qui siégeaient à l'Hotel-de-Ville, il y avait dans chaque quartier, pour représenter l'administration parisienne, des agents spéciaux appelés quarteniers, cinquanteniers, dizainiers : ils avaient surtout des fonctions militaires. En effet, à l'époque ou il n'existait pas d'armée nationale et encore moins de troupes chargées de veiller à la sécurité de la ville, chaque habitant était soldat ; il faisait partie de la milice bourgeoise, qui formait dans chaque quartier une sorte de bataillon, comme on dirait aujourd'hui. Le cinquantenier commandait à cinquante hommes et le dizainier à dix hommes de cette milice. Quant au quartenier, il veillait à la police de son quartier, surveillait le pavé, les chaînes de fer qui servaient à défendre l'accès des rues, il avait la garde des clefs des portes d'enceinte de son quartier, et conservait dans sa maison vingt-quatre seaux prêts à servir en cas d'incendie.

Telle est, esquissée à grands traits, l'organisation de l'administration municipale de Paris, tant qu'elle eut à sa tête un prévôt des marchands, quatre échevins et un conseil de vingt-quatre bourgeois.

Prévôt de Paris.

Il ne faut pas confondre le prévôt des marchands avec le prévôt de Paris, qui était un officier du roi, choisi par lui et son représentant dans la ville. Il siégeait au Grand Châtelet, situé sur la place qui en a tiré son nom ; il rendait la justice au nom du roi pour tous les quartiers de la capitale qui appartenaient à la royauté. On sait que ce n'était pas la ville entière, et qu'il y avait un grand nombre de fiefs ayant chacun leurs officiers spéciaux. En outre, le prévôt de Paris avait des attributions militaires et administratives ; c'est lui qui convoquait le ban et l'arrière-ban de la noblesse, qui faisait construire les édifices propres à la défense de la ville ou à son utilité, qui veillait à la police de la cité et délivrait les actes authentiques.

Le grand Châtelet

Le grand Châtelet.

C'était le siège de la justice municipale de Paris, dont le chef était le prévôt de Paris. Reconstruit en 1684 par Louis XIV, qui y fit aménager en même temps une prison plus vaste, il fut démoli en 1802. Il était situé à l'endroit où se trouve la place actuelle du Châtelet.

Si nous cherchions une analogie entre les fonctions des prévôts de Paris et celle d'un de nos magistrats actuels, c'est au préfet de police qu'il faudrait comparer ces officiers royaux.

Plus tard, en 1498, un édit retira l'administration de la justice au prévôt pour la confier à deux lieutenants, appelés l'un civil, l'autre criminel, suivant la nature des affaires qu'ils avaient à juger. Ces magistrats siégeaient au Châtelet, comme le prévôt, dont ils étaient les subalternes.

Avec le temps, la dignité de prévôt de Paris devint moins importante et simplement honorifique. Elle ne fut plus guère que nominale lorsque Richelieu eut créé les Généralités, ayant chacune à leur tête un Intendant. Alors, la généralité de Paris constitua un vaste département, correspondant à peu près à la province appelée Ile-de-France, et l'intendant recueillit la plupart des attributions du prévôt.

Principaux prévôts de Paris.

Les principaux prévôts de Paris sont : au treizième siècle, Etienne Boileau, qui aida Louis IX à organiser les corporations et en rédigea les statuts dans le Livre des métiers ; au quatorzième siècle, Hugues Aubriot, qui seconda Charles V dans les travaux concernant la capitale et notamment dans la construction de la Bastille ; au quinzième siècle, Tanneguy Duchâtel, qui sauva le dauphin, devenu plus tard Charles VII, lors de l'entrée des Bourguignons à Paris, en 1416 ; les Bullion, au dix-septième siècle ; enfin, Pierre Séguier, qui rédigea le recueil des Ordonnances de Louis XIV, appelé Code Louis, et fut un des protecteurs de l'Académie française.

Administrations municipales de Paris depuis la Révolution.

La Révolution française ne laissa rien subsister de l'ancienne organisation municipale. Elle plaça à la tête de la municipalité parisienne (loi du 21 mai 1790) un maire assisté de 16 adjoints, 30 conseillers et 96 notables. Tous ces personnages étaient librement élus par les citoyens répartis en 48 districts ou sections.

La constitution de l'an VIII (1800), qui créait les préfectures, en institua deux pour Paris et le département de la Seine : un préfet de la Seine, remplissant les fonctions de maire de Paris et d'administrateur du département, et un préfet de police, tous deux nommés par le gouvernement. Les habitants n'avaient aucune part à cette nomination et il n'y avait pas de Conseil municipal. Ce régime subsista sous l'Empire et la Restauration.

Louis-Philippe créa un Conseil municipal, composé de trente-six membres nommés au suffrage restreint, c'est-à-dire par des électeurs déjà choisis par un autre groupe d'électeurs.

La seconde République donna à Paris un maire central et deux adjoints ; mais le second Empire rétablit l'institution des deux préfets, en leur adjoignant une Commission municipale, nommée par l'Empereur et tout entière à sa dévotion.

Administration municipale de Paris - République française

Table des matières

Introduction

Livre Premier — Histoire de Paris

I. Lutèce. — Paris gallo-romain.

II. Paris sous les Mérovingiens et les Carolingiens.

III. Paris sous les Capétiens

IV. Paris sous Philippe-le-Bel

V. Paris sous les Valois. — Philippe VI et Jean le Bon.

VI. Paris sous les Valois. — Charles V.

VII. Paris sous les Valois. — XVe siècle.

VIII. Paris sous les Valois. — XVIe siècle.

IX. Paris sous les Bourbons. — Henri IV, Louis XIII.

X. Paris sous les Bourbons. — Louis XIV.

XI. Paris sous les Bourbons. — Louis XV.

XII. Paris sous les Bourbons. — Louis XVI.

XIII. Paris sous la Révolution.

XIV. Le Consulat et l'Empire.

XV. Paris sous la Restauration.

XVI. Paris sous Louis-Philippe.

XVII. Paris sous la République de 1848.

XVIII. Paris sous le second Empire.

XIX. La guerre de 1870.

Livre II — Monuments de Paris

I. Époque gallo-romaine.

II. Architecture romane (époque capétienne).

III. Architecture ogivale.

IV. La Renaissance.

V. L'architecture au XVIIe siècle.

VI. L'architecture au XVIIIe siècle.

VII. L'architecture au XIXe siècle.

VIII. L'architecture, de 1848 à nos jours.

Livre III — Administration

I. Généralités.

II. Administration municipale. — Autrefois.

III. Administration municipale. — Aujourd'hui.

IV. Voirie. — Boulevards, rues, places, etc. — Circulation. — Cimetières. — Éclairage.

V. La Seine. — Canaux. — Eaux potables. — Égouts.

VI. Approvisionnements.

VII. Enseignement. — Bibliothèques.

VIII. Musées. — Théâtres.

IX. Assistance publique.

X. Police. — Prisons. — Pompiers.

XI. Grands établissements parisiens.

Paris et les parisiens.

Les environs de Paris.